image_pdfimage_print

Exemples fictifs de SMS ou de mails reçus par un client : « pensez à renouveler le traitement antiparasitaire que le vétérinaire a prescrit ». Ou encore, sous une autre forme, « renouveler votre achat de XXX [une marque d’un antiparasitaire sur prescription ou pas] à la clinique pour protéger votre chien contre les puces et les tiques cet été ». Voire plus incitatif encore : « des tiques sont signalées dans notre région, pensez à protéger votre chien en renouvelant le traitement antiparasitaire à la clinique vétérinaire du pot-au-feu ».

Publicité interdite ou simple rappel à la bonne observance ? Un vétérinaire peut-il ou pas envoyer ce type de messages de rappel à ses clients ? Et, si la clinique vétérinaire ne dispose pas de logiciel pour envoyer par elle-même ces mails ou ces SMS, un laboratoire peut-il faire de ce type de rappel pour les clients des vétérinaires ?

Les rappels pour les vaccins (sur prescription) existent depuis… un siècle

Depuis des décennies, depuis même le siècle dernier, les vétérinaires envoient des cartes de rappel annuel de vaccination pour le chien ou le chat — parfois avec l’aide matérielle des fabricants de vaccins —. Et cela fait des années que cela perdure sans que cela soit vraiment mal perçu ni par les clients — qui, sinon, auraient sans doute oublié le rappel —, ni par les confrères — car presque tous ont adopté cette pratique —, ni par les autorités qui n’y trouvent rien à redire — le rapport bénéfice risque étant souvent très favorable à la vaccination.

Cette pratique s’est désormais étendue à bien d’autres classes thérapeutiques, les antiparasitaires notamment du fait, entre autres, d’une offre de produits qui a explosé et de recommandations à traiter de plus en plus fréquemment en prévention plutôt qu’en curatif. Dès lors que le chien sort de son jardin ou que le chat met son minou dehors, il peut attraper une puce ou une tique… En outre, les nouvelles technologies rendent ces envois de plus en plus faciles. Les mails puis les SMS de rappel ont peu à peu remplacé le courrier postal et ses timbres depuis déjà une vingtaine d’années…

Malgré son ancienneté, la question de la légalité de la pratique est néanmoins régulièrement posée, surtout lorsqu’il s’agit d’antiparasitaires sur prescription.

Les rappels ne sont pas des publicités mais des outils pour l’observance

Certains confrères considèrent en effet ces rappels comme des publicités illégales, surtout si ces rappels pour des médicaments sur prescription sont envoyés par les laboratoires en citant la marque commerciale du traitement. D’autres, à l’inverse, n’y voient que des « outils pour favoriser la bonne observance des traitements prescrits ».

Depuis un décret de 2015, la publicité est définie comme « toute forme d’information, y compris le démarchage, de prospection ou d’incitation qui vise à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de ces médicaments vétérinaires » (article R. 5141-81). Avec une définition aussi large (trop large ?), ces rappels sont, à l’évidence, une information destinée à promouvoir, in fine, la prescription, la vente et l’usage, certes à bon escient, d’un médicament qu’il soit ou non explicitement désigné dans le mailing du rappel, et qu’il soit ou non soumis à prescription.

  • Mais la publicité pour un médicament sur prescription est interdite auprès des propriétaires d’animaux, selon l’article R. 5141-84 du code de la santé publique.
  • En revanche, la publicité est permise auprès des propriétaires d’animaux pour un médicament qui peut être vendu sans ordonnance. Toutefois, elle est alors soumise à une autorisation préalable de l’Agence nationale du médicament vétérinaire et à une redevance de 2000 € pour cet examen de conformité. Cela obligerait d’ajouter aux SMS les fameuses mentions légales qui figurent dans les publicités. Cela n’est évidemment pas possible.

Considérer les rappels par mail ou par SMS comme une publicité reviendrait donc à les interdire, même ceux pour les… vaccins. Ce que personne finalement ne souhaite… ni les clients, ni les vétérinaires, ni les laboratoires, ni même les autorités. Surtout lorsqu’il s’agit de « prévenir » plutôt que de « guérir ».

Le code de déontologie interdit l’envoi groupé de tarifs ou de promotions

Pour qu’ils ne soient pas interdits, les rappels par mail ou par SMS ne peuvent donc pas être considérés comme des publicités mais bien comme des outils d’observance.

De même que la prescription par le vétérinaire qui vise aussi à promouvoir l’usage au cas par cas d’un médicament n’est évidemment pas une publicité, le fait, pour le vétérinaire, de rappeler à ses clients l’importance de l’observance de sa prescription à travers ces rappels ne peut pas davantage être considéré comme une publicité.

Toutefois, ce type de communication de rappel auprès des clients devrait évidemment s’inscrire aussi dans le respect des articles du code de déontologie.

Ainsi, selon les articles R. 242-46 et 242-76 du code de déontologie,

« Le vétérinaire ne doit pas, par quelque procédé que ce soit, inciter ses clients à l’utilisation abusive de médicaments.

Il veille à une utilisation prudente et raisonnée des agents antiparasitaires afin de limiter le risque d’apparition d’une résistance ».

L’envoi groupé d’informations tarifaires ou promotionnelles relatives aux médicaments vétérinaires même sous couvert d’une communication technique associée est interdit.

La communication d’un vétérinaire ne peut pas encourager l’utilisation d’un médicament vétérinaire soumis à prescription. »

C’est donc à l’ordre des vétérinaires et à ses chambres de discipline d’apprécier, au cas par cas, si un rappel par mail ou SMS constitue davantage une publicité pour un médicament — un envoi groupé d’informations promotionnelles — qu’un bon outil d’observance réservé aux clients pour lesquels un traitement a déjà été prescrit à leur animal.

La clinique vétérinaire n’inscrit pas ses clients sur le site d’un laboratoire

De même que l’ordre des vétérinaires juge de la légalité d’une communication par les confrères, l’Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANMV) est l’autorité compétente pour contrôler les publicités des laboratoires. Dans son guide sur la publicité, cette agence considère que ces rappels par SMS ou par mails sont des outils d’observance « autorisés », même lorsqu’ils sont réalisés par les laboratoires, avec toutefois les importantes réserves suivantes afin que les messages de rappel ne soient pas considérés comme publicitaires.

« Les SMS ou les courriels de rappels de traitement sont autorisés pour les clients auxquels le médicament a [déjà] été délivré, sous réserve que le message soit strictement limite? a? l’information de rappel.

Seul le nom du médicament et celui du laboratoire peuvent être indiqués.

Ces messages ne doivent pas comporter de message publicitaire : slogans, indications, avantages du médicament.

L’inscription au service de rappel est de la propre initiative du propriétaire de l’animal. Elle ne doit pas être réalisée par le vétérinaire (ou le pharmacien). Elle doit être réservée au propriétaire lui-même sur un site dédié du laboratoire, de même que la désinscription au service qui doit lui être facilement accessible.

Pour l’Anses-ANMV, il est donc interdit à un laboratoire de se procurer auprès des cliniques vétérinaires, les adresses mails ou les numéros de mobiles des clients à qui aurait été prescrit ou délivré le médicament qui fera l’objet d’un rappel d’observance. De la même façon, il serait aussi interdit à la clinique vétérinaire d’inscrire par elle-même sur le site dédié du laboratoire les coordonnées électroniques de ses clients même avec leur accord. Pour l’ANMV, c’est seulement au propriétaire de l’animal de faire par lui-même la démarche d’inscription sur le site du laboratoire.

Article publié le 6 mai 2021 dans LeFil.vet et reproduit sur ce site avec l’autorisation de son auteur Eric Vandaële.

image_pdfimage_print